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Création en Turquie d'un Suprême Conseil REAA féminin

L’Europe des Grands Commandeurs était réunie à Istanbul le 28 mai 2016. L’évènement et sa portée symbolique et historique le justifiaient, malgré l’insécurité et la montée de l’autocratie. Il s’agissait de saluer la création puis l’installation, dans un des derniers pays musulmans où la franc-maçonnerie fonctionne encore sans entraves, du Suprême Conseil féminin du Rite Ecossais Ancien et Accepté pour la Turquie.

Monique Rigal (SC-REAA-GLFF), Eva Grymberg (SC-REAA-MF) et Jean-Pierre Cordier (SC-REAA-GODF) apportaient leur soutien fraternel, ainsi que les représentants du Portugal, de la Belgique, de la Suisse, de l’Espagne, de l’Italie, du Liban, du Mexique et de la Grèce. C’était l’Europe libérale, celle qui ne s’embarrasse pas de dogmes.
Autre aspect qui n’échappait à personne : la naissance d’un Suprême Conseil féminin dans un pays où l’islam est majoritaire. On sait la place mineure qu’assigne à la femme cette religion dans les sociétés qu’elle domine. Il n’existe pas de Suprême Conseil féminin dans un pays musulman. Le Suprême Conseil féminin turc sera sans doute longtemps le seul de son genre dans un pays d’Orient. 

Créé par des FF :. pour les SS :.
Cette création prend un relief plus particulier encore quand on sait qu’il doit tout aux frères du SC-REAA [masculin] pour la Turquie, fondé en 1860. C’est lui qui a créé, il y a vingt-cinq ans, des ateliers écossais pour les femmes aspirant à poursuivre leur cheminement maçonnique au-delà de la Maîtrise. Il plaçait cette action dans une fidélité à la sentence d’Atatürk, vénéré depuis qu’il a inscrit la laïcité et l’égalité dans la Constitution de la République : « Les femmes doivent avoir les mêmes droits que les hommes ». 
Dirigés au début par des frères ayant atteint le 33e degré, ces ateliers furent progressivement confiés aux sœurs qui en étaient jugées capables. Environ 500 sœurs travaillent désormais dans des loges écossaises exclusivement féminines, du 4e au 32e grade. Mais aucune n’avait encore été élevée au grade sommital, à l’exception d’une sœur âgée qui se mourait et aurait certainement obtenu cette promotion – et ce fut non par pitié, mais parce qu’elle le méritait. 
C’est donc à une élévation collective qu’il fut procédé lors de cette tenue solennelle au 33e degré le 28 mai 2016 : 30 sœurs reçurent ensemble ce haut grade. Ce sont elles qui préparèrent activement la mise sur pied de leur propre Suprême Conseil. Signe de vitalité : au poste de Grand Commandeur, deux candidates s’étaient annoncées. L’élue se nomme Güner Ariburu, une maçonne expérimentée qui fut Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de Turquie il y a une dizaine d’années.

Güner Ariburu, Grand Commandeur
Etaient évidemment présents, lors de cette tenue, le Grand Commandeur du  SC-REAA pour la Turquie, Hüseyni Özgen, le nouveau Grand Maître de la Grande Loge de Turquie, Cuneyt Kalpakoglu, ainsi que la nouvelle Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de Turquie, Gulden Atilgan. Aucun ne cachait sa joie ni son émotion. Enfin était récompensée une longue persévérance. Visionnaires, polyglottes, fins lettrés, ces grands francs-maçons écrivaient devant leurs sœurs et leurs frères une nouvelle page de l’histoire de la franc-maçonnerie turque et jetaient les bases de la société turque idéale, paritaire et respectueuse des droits de la femme. 
Celui qui pense à la Turquie aujourd’hui se plaît à évoquer Soliman le Magnifique, François Ier, Molière même ou Lamartine, poète, historien et ministre des Affaires étrangères de la IIe République française en 1848, qui admirait « les traités de 1815 (…) qui ont fait entrer l’Empire ottoman comme partie intégrante du monde pacifié ». Il ajoutait : « Quand l’iniquité et le malheur frappent une nation, c’est le moment d’être juste et ému pour elle ». Plus loin, il insistait : « Si l’Europe n’est pas émue, au moins doit-elle être attentive ». L’Empire ottoman n’est plus et le monde est loin d’être « pacifié », mais cet appel garde hélas sa résonance. 
L’image de la Turquie, prise dans un tourbillon opaque que teintent la violence et le calcul politique, s’est brouillée. La critique et la méfiance réciproques se sont installées. La tenue du 28 mai a réaffirmé que l’espérance ne meurt jamais pourvu qu’on en entretienne la flamme – et qu’exclure les femmes de la construction d’un monde meilleur est un non-sens partout.

Humanisme et féminisme 
La réunion d’Istanbul a été l’occasion pour les participants de signer une déclaration commune affirmant que « les hommes et les femmes doivent être libres, vivre libres et construire la main dans la main un monde plus juste et meilleur » et proclamant leur « engagement en faveur d’une laïcité qui permet de faire vivre ensemble ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, de telle sorte que la singularité de chacun s’épanouisse dans le cadre démocratique commun. » Les signataires refusent « toute sorte de maltraitance des femmes par les hommes. Humiliées, mariées adolescentes, battues à mort, réduites en esclavage, rendues à l’état d’objet sexuel, interdites d’enseignement, toutes ces femmes sont victimes de l’obscurantisme aveugle. Comme l’homme, la femme a le droit au respect, à l’éducation, à la liberté de ses choix et à la libre disposition de son corps ».

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