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Paris célèbre la recherche maçonnique

NGH Presse

L’événement s’annonçait exceptionnel. Franc-Maçonnerie Magazine s’en était déjà fait l’écho. La Conférence mondiale sur le Fraternalisme, la Franc-Maçonnerie et l’Histoire (World Conference on Fraternalism, Freemasonry & History) le fut incontestablement.

Les 29 et 30 mai 2015, à l’initiative de la fondation académique PSO (Policy Studies Organization (1)), de Washington, une grande partie de l’élite mondiale de la recherche maçonnique s’est réunie, à Paris, à la Bibliothèque Nationale de France (partenaire de l’événement) : près de 450 participants. 50 intervenants, 20 nationalités représentées. Mais à dire vrai, ce fut toute cette ultime semaine parisienne de mai qui célébra la recherche et la fraternité maçonniques. 

Dès les 27 et 28 mai, ce furent deux journées tout aussi exceptionnelles autour des manuscrits Francken (la transcription originelle des rituels du rite de perfection en 25 degrés de l’Ordre du Royal Secret, aïeul immédiat du Rite Écossais Ancien et Accepté). Pour la première fois, quatre manuscrits (il en existerait une paire d’autres, au moins, notamment à La Haye) furent rassemblés afin qu’un comité d’experts puisse se pencher dessus ; le compte-rendu sommaire de ces sessions étant fait en conclusion du colloque de la BNF justement. Et on peut ajouter à cette semaine singulière, les rencontres La Fayette proposées conjointement par le Grand Orient de France et la Grande Loge Nationale Française, en présence de leurs grands maîtres respectifs, autour du thème « La Franc-maçonnerie face à ses mythes » ; une occasion d’échanges entre deux pôles de la maçonnerie qui caractérisait parfaitement cette idée de « fraternalisme », présidant à l’esprit du colloque de la BNF.

Ode au fraternalisme
Car revenons maintenant à ce dernier, cette « Conférence mondiale sur le Fraternalisme, la Franc-Maçonnerie et l’Histoire ». En introduction de celle-ci, Pierre Mollier, l’une des chevilles ouvrières de l’événement, expliqua que l’utilisation de ce néologisme était parfaitement volontaire dans sa description de l’esprit de la maçonnerie, le distinguant de toutes les associations fraternelles non maçonniques. Et assurément, cet esprit de « fraternalisme » maçonnique (quitte à confiner au pléonasme) a présidé à ces deux journées, réunissant dans un sens très andersonien, nombre de personnes qui, sans cela, ne se seraient peut-être pas rencontrées. C’était là l’une des vocations du colloque à travers sa dimension internationale : permettre de faire un point sur l’état de la recherche et de présenter notamment aux rives respectives de l’Atlantique les avancées des uns et des autres dans ces domaines… Le programme lui-même reflétait cette diversité voulue des sujets d’investigation. 
Un programme si dense que, conformément à ce type de colloques, il était proposé, par moments, des tables rondes simultanées, aussi intéressantes les unes que les autres, et entre lesquelles il fallait bien se résoudre à faire un choix frustrant. Ainsi pouvait-on aussi bien écouter une synthèse sur l’intrigant manuscrit « Copiale » du mystérieux Ordre des oculistes qu’un exposé sur les « guildes médiévales de Londres et leur influence sur la maçonnerie ultérieure » ; se laisser emporter – sans voir le temps passer – par l’exposé-fleuve et abondamment illustré du spécialiste Jean-Michel Mathonière  sur le Compagnonnage à la fin de l’ancien régime ; s’extasier sur les développements de l’architecture maçonnique ou des bijoux mobiles et immobiles de la loge au XVIIIe siècle ; découvrir avec autant d’intérêt que de passion des maçonneries plus lointaines telles que les maçonneries latino-américaines ou turques, la présence maçonnique dans les unités australiennes de la Première Guerre mondiale, la douloureuse histoire du Grand Orient Ottoman à l’heure du génocide arménien ou qu’un petit Breton, Louis Goueziou, fut instrumental dans la maturation de la fédération américaine du Droit Humain… Sans oublier des aspects plus sombres tels que la relation du Ku-Klux-Klan et de la maçonnerie… (2)

D’un véritable complot maçonnique
Au gré de du concert-conférence du musicologue et musicien Gille Thorne, on apprenait avec délectation – et plaisir auditif – que s’il existât un complot maçonnique au cours du temps, ce fut bien celui qui réunit un compositeur, son interprète et son facteur d’instrument – un « génie à 3 têtes », à savoir Mozart, Anton Stadler et Theodor Lotz, tous frères de la même loge viennoise – pour créer un instrument de musique spécifiquement maçonnique, susceptible de jouer des notes particulières, en l’occurrence le cor de basset.
Mais l’intérêt de ces échanges n’était pas seulement – loin s’en fallait – intellectuel. Plusieurs ateliers brillaient aussi par leur approche méthodologique : ce qui distingue la recherche profane de la recherche maçonnique ; les sources documentaires accessibles, notamment en France ; le fonctionnement de l’historique loge anglaise de recherche des Quatuor Coronati (avec ses principaux animateurs) ou encore la maçonnerie à l’heure d’internet... On pourrait même dire que c’est autour de ce plan méthodologique que s’est enflammée l’une des tables rondes sur le rapport nazisme-franc-maçonnerie, montrant bien combien il est difficile de demeurer purement neutre et objectif quant à l’approche de certains sujets, d’établir une distance entre l’objet, le sujet et son observateur, sans projeter ses propres idées présentes, mais en restant dans le contexte strict de l’époque étudiée et de la connaissance que l’on en avait alors. Comme l’indiquait, dans une autre intervention, John Belton, des Quatuor Coronati, « Pour comprendre la franc-maçonnerie, il faut la remettre dans le contexte de la société du moment ».

Lumières sur la régularité
D’autres tables rondes encore furent particulièrement enrichissantes, tel cet échange aussi passionnant et décapant que constructif et précis entre l’ex-Grand Maître de la Grande Loge de Californie et ancien président de la conférence des grands maîtres d’Amérique du Nord, John Cooper (rappelant notamment que les basic principles étaient accessoires et que ce qui importait était l’initiation), et Alain Bauer, lui-même, comme chacun sait, ancien Grand Maître du Grand Orient de France, sur les perspectives de la reconnaissance et de la régularité à l’anglo-saxonne – où les sourires bienveillants du public ne furent pas rares (3). 
Sans parler de la table ronde sur les sources françaises du rite écossais par quatre des sommités en la matière (L. Trébuchet, J. Simon, P. Mollier et R. Dachez ; ce dernier faisant essentiellement le point des questions restant en suspens (4)), qui ont ouvert la voie à l’intervention terminale de Brent Morris, l’éditeur d’Heredom, la revue de la Juridiction Sud du Scottish Rite (REAA) pour rendre compte de l’examen comparatif des manuscrits Francken des deux jours précédents.
À l’occasion de ce colloque, plusieurs récompenses (awards) furent décernées et l’on mentionnera particulièrement ceux remis à Yves Hivert-Messeca pour sa monumentale Europe sous l’acacia : L’histoire des francs-maçonneries européennes du XVIIIe siècle à nos jours (Dervy, qui comptera 4 tomes in fine), mais aussi celui récompensant le formidable travail accompli par la revue Renaissance Traditionnelle depuis plus 45 ans… Quant à Paul Rich, président de PSO, l’organisateur du colloque, et la chercheuse Margaret Jacobs, ils reçurent des mains d’Alain Bauer et Roger Dachez, fondateurs de l’Ordre maçonnique de La Fayette (5), les cordons de commandeur de celui-ci pour exalter leur investissement en faveur de la recherche maçonnique. Et c’est alors que Paul Rich salua en retour « Paris, capitale de la recherche maçonnique ».
Un grand moment, donc, de fraternalisme et d’échange constructif – loin d’un pur et strict académisme que certains pourraient trouver stériles – qui se poursuivaient aussi dans les couloirs et les pauses. « Un succès pour la science, pour le débat, pour l’échange. Et pour la maçonnerie française dans sa pluralité et sa diversité », comme le souligna immédiatement Alain Bauer (Source Hiram.be).

Rendez-vous en 2017
Si cette conférence internationale fut exceptionnelle, date est déjà prise pour la pérenniser bisannuellement avec une prochaine édition, toujours à la BNF, les 26-27 mai 2017 (tricententenaire de la maçonnerie obédientielle), particulièrement autour des discours de Ramsay. La fièvre de l’impatience monte déjà.

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