Société

Confusion d'un été

L’été a été source de nombreuses confusions en matière d’application du principe de laïcité. L’État est garant de la liberté des cultes et du respect de l’ordre public. À cet égard dans le cadre de la police administrative, les maires ont en effet la possibilité de prendre des arrêtés en cas de troubles manifestes à l’ordre public et le bureau des cultes du ministère de l’Intérieur est chargé d’un certain contrôle de légalité des pratiques cultuelles

Que le gouvernement s’intéresse à l’organisation de l’islam en France, rien de plus normal. Mais que le président de la République nomme le président d’une fondation de droit privé, chargée du financement de l’islam et de l’organisation du culte musulman, paraît totalement extravagant.

Une fondation reconnue d’utilité publique a, de droit, en son conseil d’administration des représentants du ministère de l’Intérieur et du ministère de l’Économie et des Finances. Cependant, il est assez rare que le gouvernement nomme les présidents et les membres dudit conseil d’administration autres que les représentants de l’État, surtout s’agissant d’une fondation concernant une religion.

Enfin, que l’on ait nommé à la tête de cette institution un non-musulman est absurde et insultant à l’égard des musulmans de France. Imagine-t-on un non-juif à la tête du consistoire ou du CRIF, ou un athée à la tête du secours catholique ?... Ainsi n’y a-t-il aucune personnalité musulmane dotée de qualité de diplomatie et de gestion qui soit capable de présider une telle structure ? Tahar Ben Jelloun membre de l’Académie Goncourt en a été nommé vice-président, pourquoi pas président ? Le silence gêné

des musulmans de France à cet égard montre leur degré d’encaissement des coups qui leur sont finalement quotidiennement portés. Alors même que Jean-Pierre Chevènement appelait les musulmans de France à plus de discrétion ! Et les catholiques, et les tenants de la religion juive, sont-ils plus discrets ? Les auteurs de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des églises et de l’État doivent se retourner dans leur tombe !!! Première confusion.

Ensuite nous avons eu droit à la chasse au burkini.

Le Conseil d’État dans sa sagesse a rappelé de manière impeccable la loi. Certes, il s’agit d’une ordonnance d’appel d’un référé, et le Conseil d’État devra réaffirmer sa position au fond. Néanmoins la simple lecture de l’arrêt du Conseil d’État rappelle les principes élémentaires en la matière. Que la multiplication des burkinis sur certaines plages soit une provocation d’intégristes musulmans, cela ne fait aucun doute. Mais répondre à une provocation par une autre provocation nous paraît d’une maladresse politique grave. D’abord on dénote, dit-on plus de 4 millions de musulmans en France. Et l’on a constaté quelques dizaines de burkinis sur des plages très ciblées : où est le danger quant à cet « envahissement » ?

Les provocateurs ont réussi leur coup puisqu’il a été répondu par un certain nombre de maires, soutenus par des politiques éminents et en particulier le Premier ministre par, au nom de la laïcité et de l’asservissement des femmes, la sanction, la punition, l’interdiction, alors que la seule réponse était l’indifférence. Il ne s’agit pas d’un problème de laïcité puisque le burkini n’est pas un signe religieux, et il est même dénoncé par les islamistes les plus radicaux. La neutralité confessionnelle, la laïcité,

relèvent du domaine public et du service public. Elles ne peuvent être étendues à tous les espaces et à tous les actes de la vie des personnes privées qui vivent en France.

Par ailleurs, confondre la lutte contre le burkini et la lutte contre le terrorisme islamiste est évidemment un raccourci intellectuel tout à fait inacceptable. Ces réactions agressives peuvent pousser un certain nombre de musulmans, hier modérés, dans les bras d’un islamisme plus radical. C’est exactement ce que cherchent les intégristes. Sachons garder raison.

Quant à l’asservissement des femmes, qui, au nom des femmes, peut juger ex abrupto que les femmes portant le burkini, ou le foulard, ne le font pas librement et qu’elles sont, par principe, par nature, soumises à leur milieu social et culturel ou à leurs époux et compagnons ? Qu’il y ait des femmes contraintes, personne ne peut le nier, mais nous ne pouvons pas occulter le fait que beaucoup de femmes, et peut-être la plupart, portent le foulard et le burkini, de manière totalement libre.

Le nouveau courant républicaniste concernant l’application de la laïcité en la rendant punitive, exclusive, autoritaire, est à notre sens une erreur grave. Plus on dénoncera, on interdira, on exclura au nom de la laïcité et plus la laïcité éloignera de nombreuses couches de notre population des principes républicains. Plus on voudra étendre la laïcité à tous, à tout moment et partout, et plus la laïcité sera affaiblie. Ce n’est pas d’autre part en utilisant les mêmes mots, les mêmes armes, les mêmes concepts et les mêmes discours du Front National que l’on pourra lutter contre le Front national et celui-ci naturellement se réjouit de ce qui s’est passé en France, cette réaction épidermique et agressive qui ne fait que le lit de tous les extrémismes et de tous les intégrismes.

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