En franc-maçonnerie, nous faisons grand cas de suivre à la lettre ce qui est indiqué dans les rituels. Mais la profusion de détails ne nous fait-elle pas oublier parfois l’éléphant dans la pièce ? Ainsi, souvenez-vous de mon récent article sur l’origine de la présence de l’épée flamboyante à l’Orient dans lequel j’évoquais une gravure du 3e grade au Rite français dans le Régulateur du maçon. Un détail m’avait alors troublé : l’absence de Bible.
On dit en effet que tout serment doit traditionnellement être prêté sur la Bible. Alors pourquoi n’y a-t-il pas de Bible sur cette illustration et sur quoi jurait-on dans les années 1780 (années de la rédaction du Rite français Régulateur) ? Est-ce un oubli ? Non pas ! À la Stricte Observance Templière, On jurait sur le cinquième verset du 1er Chapitre de l’Évangile de Saint Jean (« La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue »). Au Rite français dit Régulateur c’était… sur une épée ! Il est ainsi précisé : « On lui met la main droite sur le glaive, qui est à plat et en travers de l’autel ».
Et là, bon nombre de frères du Rite français se demanderont « mais sur quoi juraient-ils alors ? ». Rassurez-vous, quelques lignes plus bas, la réponse apparaît : « Je jure et promets sur les statuts généraux de l’Ordre, et sur ce glaive, symbole de l’honneur, devant le G ∴ A ∴ de l’univers ».
Aucune référence à une flamboyance de l’épée au 1er grade, mais bien à l’épée comme un symbole de l’honneur ! N’oublions pas que nous sommes dans une symbolique chevalière. Quelques lignes plus loin, il est ainsi précisé « Le V ∴ retire le glaive de dessous la main du Récipiendaire, en pose la lame sur […], et prononce la formule de réception en ces termes… ».
Mais alors quand la Bible a-t-elle été introduite à l’Orient aux côtés de l’épée ? La réponse se trouve dans une édition du Rite français de 1761-74 nommée Le Corps complet de Maçonnerie adopté par la R.G.L. de France. Dans ce rituel précédent le Régulateur, la main n’est pas posée sur l’épée, mais sur l’Évangile ! Et c’est donc très certainement dans une période ultérieure à la rédaction du Régulateur que des frères souffrant de ne plus faire jurer sur la Bible l’ont discrètement remise en scène tout en conservant l’épée dont l’usage était déjà bien ancré dans les mœurs.