Culture

Voyage de Turner sur la Loire

William Turner se comparait souvent à un oiseau. À un oiseau migrateur. Il faut dire que l’artiste a beaucoup voyagé. D’abord autour de Londres, sa ville natale, puis en sillonnant la Grande-Bretagne au cours des années 1790. Participant à un engouement nouveau pour la topographie britannique, il consolide sa réputation auprès de ses pairs jusqu’à son entrée à la Royal Academy, à 27 ans seulement. Profitant d’une période d’accalmie politique, scellée par la paix d’Amiens, le jeune homme s’embarque en 1802 pour la France. Ce voyage sera le premier d’une longue série.

Vingt-cinq ans plus tard, William Turner, âgé de 51 ans, est au sommet de son art. De sa gloire aussi. En cette fin d’été 1826, il part en solitaire pour concrétiser un projet qu’il semble nourrir depuis longtemps : remonter la Loire, de Nantes à Orléans.  
À l’époque, contrairement à la Seine, le fleuve demeure une sorte de terra incognita pour les artistes anglais. Jusqu’alors aucun livre n’avait été publié sur le fleuve, ni aucun tableau montré à Londres. On imagine alors sans peine à quel point la curiosité du peintre devait être grande. 
Après avoir longé les côtes normandes et bretonnes pendant le mois de septembre, c’est à quelques kilomètres de Nantes qu’il aperçoit pour la première fois la Loire. Tout ce qui séduit son regard est immortalisé par sa main dans ses carnets de croquis, précieusement conservés par ses soins. 
À l’affût, Turner glane inlassablement. Ici les arches d’un pont enjambant élégamment le courant, là des marins sur le pont d’une gabare gonflée par le vent et partout ailleurs des morceaux de ciel nimbés par la lumière d’un soleil naissant, celui qu’il vénérait. 
À bord d’un bateau à vapeur de Nantes à Saumur, en diligence et à pied pour la suite de son voyage, l’artiste ne s’éloigne jamais des méandres du fleuve. La chronologie de son itinéraire montre que l’homme était pressé. Il ne reste qu’une nuit à Amboise, sans doute deux à Tours, guère plus à Orléans. Dans certains croquis, on distingue le tremblement de la calèche. Par la fenêtre, les motifs ne s’arrêtent pas. Il faut réussir à les prendre au vol, les saisir pour les arracher à l’oubli. 
Après un bref passage par Paris, Turner, de retour à l’atelier, exploitera ce matériau pour faire éclore un monde, à mi-chemin entre le réel et l’imaginaire. Sous son œil attentif, les vues les plus ambitieuses de ce voyage sont gravées et publiées en 1833 dans l’Annual Tour. Elles sont sobrement accompagnées par le texte signé Leitch Ritchie. Cet écrivain et journaliste écossais s’est entre temps laissé séduire par la beauté du fleuve et des villes que l’Histoire a fait éclore sur ses rives.   
Un voyage raconte souvent beaucoup sur celui qui l’entreprend. Celui de Turner rend perceptible sa jouissance d’aller vers l’est, là où le jour nait, mais aussi sa boulimie de voir, sa passion pour l’eau et pour le ciel qui s’y reflète. Ce voyage de 1826 semble être la biographie des plus fidèles d’un oiseau migrateur. 

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