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Hommage à Ludovic Marcos « Mieux vaut construire des ponts que bâtir des murs. »

Figure de la franc-maçonnerie française, pour laquelle il va œuvrer une grande partie de sa vie, Ludovic Marcos s’est éteint le 9 février 2018.

Huit ans presque jour pour jour après la réouverture du Musée de la franc-maçonnerie, nous quittait Ludovic Marcos. Je l’avais rencontré pour la première fois lors de l’inauguration de ce lieu dédié à la culture et labellisé Musée de France. Moment historique !  Nous avions prévu une interview. Engoncé dans un costume, qu’il avait sorti pour l’occasion, et que je ne lui ai plus jamais revu ensuite, il rayonnait : « La maçonnerie a une histoire très importante dans notre pays, m’avait-il expliqué ; elle a été un moteur philosophique depuis le Siècle des Lumières qui a permis de construire peu à peu la notion de citoyenneté. Nous avons la volonté ici de restituer la mémoire et le patrimoine d’une institution qui reste mal connue, voire incomprise. Nous engageons un processus d’ouverture, de pédagogie sur ce qu’est la maçonnerie, d’un point de vue artistique, historique, anthropologique. Notre mission est aussi de participer à la construction d’une identité interne et de faire en sorte que les frères et les sœurs trouvent dans ce lieu le sens et l’explication de leur engagement philosophique. »  Il faudra toute l’opiniâtreté de cet érudit, homme d’action, visionnaire qui concevait la maçonnerie comme un chantier toujours en construction pour qu’aboutisse le projet de rénovation du musée dont il sera le Conservateur. Cet engagement, on le retrouve tout au long de sa vie.

Ludovic Marcos est né à Paris le 6 mai 1951. Issu d’une famille ayant fui l’Espagne de Franco, il sera profondément marqué par ce passé et cultivera toute sa vie un esprit libre, viscéralement attaché aux valeurs démocratiques. Il a 17 ans en mai 68 ; fruit d’une génération, il milite à l’ORA, Organisation Révolutionnaire Anarchiste, devient instituteur et fréquente les milieux libertaires, mais aussi le Ciné débat Louis Delluc rue Cadet ! Sensible au thème du retour à la terre, il part vivre dans les Cévennes, à Saint-Martial et apprend le métier de maçon-carreleur. C’est là qu’il rencontre son futur parrain en franc-maçonnerie, Elios Nacmias, membre de la loge La Pierre Angulaire du Grand Orient de France à Paris. Après une vie d’itinérance propre à la culture compagnonnique, Ludovic Marcos découvre au début des années 1980 « L’espace du Possible », version française d’une mouvance née en Californie. Ce centre se veut une « pépinière de projets » où tout un chacun peut faire l’expérience d’une autre façon de vivre et de « réaliser son potentiel ». Parfois caricaturé comme une communauté « New Age » et soixante-huitarde, « l’Espace du possible » sera pour Ludovic l’occasion de rencontres qui vont réorienter sa vie. Quelque temps plus tard, installé à Nantes, il reprend des études passe des concours et devient professeur agrégé d’histoire.

Le 13 mai 1982, commence pour lui une autre vie ; il est initié par la loge La Pierre Angulaire et devient franc-maçon du Grand Orient de France. À Nantes, il rejoint la loge Des Arts et de l’Amitié. Commence alors une période de grande activité. Il participe à la fondation de plusieurs autres ateliers : Harmonie Lumière et Liberté, Convergence et Progrès, La Règle et le Compas, L’Harmonie… et Les Maillons de la Liberté de la Grande Loge Mixte de France à une époque où le Grand Orient était encore fermé à la mixité.

Son action ne s’arrête pas là : il participe au réveil des hauts grades du Rite Français et sera le principal artisan de l’intégration du Rite Égyptien de Memphis-Misraïm au sein du Grand Orient en 1999. Quelque temps après, il est le fondateur du Grand Ordre Égyptien qui permet aux Maçons de Memphis-Misraïm de poursuivre leur parcours dans les hauts grades.

Conscient des enjeux liés à la transmission du patrimoine historique et artistique de la franc-maçonnerie, il n’aura de cesse à travers ses nombreux ouvrages de célébrer l’identité d’un ordre dans ses multiples facettes. Pour celui qui plaçait la fraternité au cœur de son engagement, la franc-maçonnerie était une longue chaîne ininterrompue d’hommes et de femmes, unis dans un même idéal. Avec ses mots, simples et chaleureux, Ludovic Marcos a su en exprimer l’essence et en décrire le caractère à la fois intime et universel. Pour Franc-maçonnerie magazine, il va signer une vingtaine d’articles. Nos lecteurs ont pu apprécier sa chronique « les plus beaux temples », prémisses du dernier ouvrage qu’il publie, monumental, À la découverte des temples maçonniques de France (Ed. Dervy, novembre 2017), comme un ultime hommage. Un projet un peu fou qu’il entreprend avec son ami photographe Ronan Loaëc. Peut-être les avez-vous croisés au détour d’un temple ? En quatre ans, ils parcourront pas moins de 70 000 kilomètres et consacreront plus de 400 jours à photographier les temples de la maçonnerie française. Une prouesse ! Ludovic Marcos nous a quittés, mais, ses écrits et son esprit demeurent. « Mieux vaut construire des ponts que des murs » m’avait-il dit un joue. Une parole que je n’oublierai pas. HC

 

Ses publications

Histoire du Rite Français au XVIIIe siècle, éditions maçonniques de France, 1999

Histoire du Rite Français au XIXe siècle, éditions maçonniques de France, 2001

Histoire illustrée du Rite Français, éditions Dervy, 2011

Les Ordres de Sagesse du Rite Français, avec Cécile Révauger, éditions Dervy, 2015

Images du Patrimoine Maçonnique en deux volumes, 2003, réédité en 2011 sous le titre Le Grand Livre Illustré du Patrimoine Maçonnique, éditions Dervy

À la découverte des temples maçonniques de France, avec les photos de Ronan Loaëc, éditions Dervy, 2017

Le Grand Orient de France prévoit de diffuser un hommage sous forme de recueil.

 

Photos :

Au centre, Ludovic Marcos, lors de l’inauguration du Musée de la franc-maçonnerie le 11 février 2010. En 1998, Ludovic intègre l’équipe du Grand Maître Philippe Guglielmi qui lui confie la responsabilité du secteur culturel de l’obédience et notamment du Musée dont il devient le conservateur. L’impulsion donnée par Philippe Guglielmi est continuée et amplifiée par son successeur, Alain Bauer. Grâce aux moyens accordés par la direction de l’obédience, Ludovic peut mettre en œuvre une politique active d’acquisition pour enrichir les collections. Parallèlement, il met en place l’« Association des Amis du Musée de la franc-maçonnerie » pour fédérer les bénévoles et mobiliser des moyens. Il impulse aussi une politique d’expositions en régions et de coopération avec les grands musées de province.

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