La sélection littéraire du n°88

Debussy et l'échelle mystérieuse - Les Illuminati : de la société secrète aux théories du complot - Les grands maîtres de la Grande Loge de France

Essai
Les Illuminati
De la société secrète aux théories du complot
De Pierre-Yves Beaurepaire
Éditions Tallandier
348 pages – 21,90 €

Jamais ordre secret n’aura autant fasciné. Illuminati. La simple évocation de ce mot sur Internet suscite encore aujourd’hui une déferlante de réactions, alimentant les théories complotistes les plus folles, mais paradoxalement, en toute méconnaissance de l’histoire d’un ordre, les Illuminaten, créé en 1776 en Bavière. Son fondateur, Adam Weishaupt, gagné par l’esprit des Lumières tentait alors de rallier à ses idées les milieux étudiants et les princes éclairés, en opposition à l’influence des Jésuites, accusés d’alimenter la contre-réforme. L’historien, Pierre-Yves Beaurepaire, à la lumière de nouveaux documents d’archives propose au lecteur une véritable enquête et articule son propos autour de deux énigmes pour mieux comprendre l’histoire et la postérité des Illuminaten : Dans un contexte déjà fortement imprégné d’ésotérisme, comment les illuminaten ont-ils pu connaitre un si fulgurant essor avant de s’effondrer en 1785 ? Qu’est-ce qui va provoquer le passage dans l’imaginaire collectif d’un ordre secret disparu à un autre, incarnation d’un pouvoir mondial, aux multiples ramifications, dont les membres avancent masqués ? Pierre-Yves Beaurepaire à travers cet ouvrage passionnant sonde l’histoire et la fabrique du mythe afin de comprendre comment elles vont engendrer un récit alternatif, plus venimeux que jamais. 

Essai
Debussy et l’échelle mystérieuse
De Yvon Gérault
Les éditions de la Tarente
166 pages – 20 €

Être et musicien mystérieux, Claude Debussy ? À n’en pas douter, mais il l’est bien moins après avoir lu le beau livre d’Yvon Gérault. Il nous fait pénétrer dans l’univers de Debussy. On découvre au fil des pages l’homme Debussy, d’un « tempérament plutôt sombre », peut-être même « en proie à des vagues de neurasthénie », comme l’écrit l’auteur, qui ajoute que cela pourrait expliquer son « penchant à la superstition et un goût certain pour l’occulte ». Possible. Gérault y consacre de nombreux et précis développements, évoquant des mystérieuses sociétés secrètes, les lieux où les amateurs de symbolisme et d’occultisme se côtoient. Ainsi, la librairie l’Art indépendant, fréquentée par Pierre Louÿs, Papus, Peladan… et Debussy bien sûr. Un regret – il en faut bien – à propos des personnes qui ont côtoyé Debussy, certains d’entre eux étant bien « allumés », il faut le reconnaitre, on aurait aimé les voir vivre davantage dans leur quotidien avec le musicien, qu’il s’agisse de Pierre Louÿs ou Jean de Tinan. Voire de Georgette Leblanc dont la biographie rappelle ses liens avec Péladan, entre autres…
Un tel ouvrage ne pouvait pas négliger la question de la franc-maçonnerie. Si l’auteur avance que le musicien n’a pas été initié « au sens strict du terme », bien qu’il ait fréquenté de nombreux francs-maçons, il reste que sa « propension à aller vers l’ailleurs, le surnaturel, l’invisible » transparait dans ses œuvres, dans les thèmes qu’il aborde.
Bien sûr, la musique est omniprésente dans ce livre, toutes ses œuvres sont présentées, commentées, remises dans leur contexte. Faute de place, on s’attardera ici à peine sur Pelléas et Melisande, dont Debussy a composé la musique sur un texte de Maurice Maeterlinck. Créée le 30 avril 1902, cette œuvre n’a pas rencontré à ses débuts l’enthousiasme des spectateurs et des critiques, c’est le moins qu’on puisse dire. La Revue des deux mondes note en mai 1902 que « l’orchestre de M. Debussy […] fait peu de bruit, je l’accorde, mais un vilain petit bruit. » Jules Renard, lui, écrit dans son Journal, le 11 mai de la même année, après avoir vu Pelléas : « Un sombre ennui […] C’est de la conversation chantée. […] C’est le bruit du vent. J’aime mieux le vent. » Debussy s’en moquait, lui qui a écrit : « Ce que l’on peut dire de ma musique m’est complètement indifférent. » La messe était dite.

Essai
Les grands maîtres de la Grande Loge de France
De Jean-Pierre Thomas
Éditions Numérilivre
207 pages – 24 €

Dès les premières pages, cet ouvrage revient sur la sempiternelle question de l’antériorité de la Grande Loge de France sur le Grand Orient de France. Une question que se posent exclusivement certains membres de l’obédience de la rue Puteaux, en contestant 1895 comme année de naissance de la Grande Loge de France. Il faut, pour eux, remonter un siècle plus tôt, avec la création de la première Grande Loge : s’ils reconnaissent qu’elle se transforme en 1773 en Grand Orient, ils mettent en avant que des frères, bien minoritaires, ont alors maintenu cette première obédience — même si elle a disparu 20 ans plus tard… — jusqu’en 1895. La Grande Loge de France serait donc pour eux antérieure au Grand Orient de France ! On a du mal à suivre Jean-Pierre Thomas sur cette voie. Concentrons-nous plutôt sur le corps principal de son livre, qui nous offre des notices plus ou moins longues des grands maîtres successifs de la Grande Loge, du XVIIIe siècle à nos jours. Sa copieuse préface doit être lue avec attention, elle constitue une présentation générale de ces hommes : durée de leur mandat, origine sociologique et géographique, activités professionnelles et politiques, etc. Certains passages, évoquant les relations de la Grande Loge de France avec d’autres obédiences, le Grand Orient de France bien sûr, sont parfois polémiques, le lecteur jugera. On constate ici ou là quelques oublis... Ainsi, quand il évoque le résistant Pierre Brossolette, dont on connait l’appartenance maçonnique, à la Grande Loge de France, l’auteur ne dit pas qu’il s’est affilié en 1937 au Grand Orient de France, loge l’Aurore sociale, Orient de Troyes. Même si certains développements ne sont pas toujours convaincants, au final l’auteur nous offre une plongée intéressante dans son obédience, quand il fait remonter à la surface des francs-maçons bien oubliés.

Et aussi…
La franc-maçonnerie à la lumière du Verbe
Tome 3
De Jean-François Var
Éditions Dervy

Masonica
N° 50 spécial jubilé
Revue du groupe de recherche Alpina

Du travail à l’œuvre, quand la création donne sens
N° 12 des Cahiers de l’Alliance
Revue d’études et de recherche maçonniques de la GLAMF
Éditions Numérilivre

 

 

 

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