A la trace - Emotions maçonniques - Diderot : du matérialisme à la politique

Essai
À la trace
Enquête sur les nouveaux territoires de la surveillance
De Olivier Tesquet
Éditions Premier Parallèle
268 pages – 18 €

Ce livre part d’un constat : aujourd’hui la surveillance est partout et nous ne la voyons nulle part. Sous l’argument de la sécurité, le mariage de la puissance publique et des géants privés (Google, Facebook, Amazon, Apple, et moins visibles, mais tout aussi puissants Axciom, Epsilon, Experian…) a donné naissance à un nouveau régime de pouvoir où le contrôle est banalisé. Et on aurait tort de croire qu’il ne concerne que les dictatures : si en Chine, les citoyens sont soumis à une notation liée à leurs bonnes et mauvaises actions, ce système fait des émules dans nos démocraties. « Le niveau de débat public ne cesse de s’affaiblir, suspendu par l’urgence sécuritaire » explique Olivier Tesquet qui explore au scalpel ces nouveaux territoires de la surveillance. Ceux qu’on appelle les databrokers, traduisez courtiers en données monnayent à des milliards d’euros les informations qu’ils collectent sur nous chaque fois que nous naviguons sur Internet. Ces traces que nous semons (les métadonnées), impossibles à effacer servent de matrice à ces systèmes pour prédire nos comportements et orienter nos choix. La recomposition identitaire est ainsi devenue une norme sans légalité. De fait ce scénario aboutit à des tensions entre les technologies de l’information et la liberté inaliénable des individus et l’auteur d’ajouter « le bigdata, c’est une injonction à l’accumulation, à la prédation et à l’exploitation. » Peut-on encore s’opposer au technopouvoir ? L’enjeu est de taille. L’architecture du capitalisme de surveillance repose sur son opacité et sa capacité à nous isoler les uns des autres. Briser ce schéma apparait plus que jamais nécessaire. « Il faut s’y mettre à deux, à mille, à cent millions et alors œuvrer pour imposer aux dispositifs la lumière qu’ils abhorrent tant. » Un ouvrage percutant et documenté à lire absolument.

Essai
Diderot. Du matérialisme à la politique
De Colas Duflo
CNRS Éditions 
249 pages – 10 €

Homme insaisissable, attiré par tous les secteurs de l’activité humaine, Diderot était un glouton absolu, glouton de savoir, de femmes, de vie… Il a laissé une œuvre protéiforme qui a exploré tous les genres : poésie, roman, théâtre, philosophie, correspondance, critique d’art… Colas Duflo, nous emmène sur ses traces, avec ce livre composé de 11 chapitres ordonnés en trois parties qui sont autant de petits essais qu’on peut lire séparément. D’ailleurs, certains d’entre eux ont paru dans une première version sous forme d’articles. Ils s’enchainent harmonieusement ici, conçus autour des écrits de Diderot lui-même (publiés de son vivant ou après sa mort) ou consacrés à des thèmes. Colas mêle les textes de Diderot aux enseignements qu’il en tire. On se régalera à cet égard des passages évoquant l’écriture sous la censure, jamais facile à mener à bien, puisqu’il faut s’adresser « à un lecteur capable de déchiffrer ce qui n’est pas dit, de lire un texte à un double niveau » : une « technique » que Diderot maitrisait à la perfection. On signalera tout particulièrement ses réflexions sur la notion de volonté et celles sur la postérité, autour de ces quelques mots porteurs de sens : « Élargir la vie ». Charles Maurras, en 1913, au moment du bicentenaire de sa naissance, voyait dans son œuvre « le bréviaire de l’anarchie ». Diderot était sans doute trop libre à ses yeux, trop rétif à tout système, trop virevoltant : de quoi rebuter un Maurras ancré dans son conformisme et ses certitudes, mais de quoi séduire et intéresser le lecteur du XXIe siècle, notamment quand il critique la conquête coloniale. Noël Delomel

Poésie
Émotions maçonniques
Poèmes maçonniques à l’aune du Yi Jing
De Matéo Simoita
Édilivre 
178 pages – 16,50 €

Émotion, fugacité du temps, impermanence des choses, sensibilité se dégagent de ce bel ensemble où l’influence de la Chine ancienne se mêle à l’univers maçonnique. Matéo Simoita a construit ce recueil en s’appuyant sur les 64 hexagrammes qui composent le Yi Jing, que l’on peut traduire par « Livre des transformations » ouvrage clef de la pensée chinoise. Voilà de quoi aiguiser notre appétit… Le lecteur chemine et s’abandonne au fil des mots et des pages. Il est ici question de voyage, d’amour, d’engagement, de légèreté, aussi… Rarement mise à l’honneur, la poésie se révèle un champ fertile pour l’imaginaire. Matéo Simoita réussit à nous transporter sur d’autres rives. Et puisqu’il est permis de rêver, lisons : 
La musique et les mots seront les premiers temps,
Puis la chair et la poudre doperont l’énergie
Et nos cris rassemblés lanceront aux étoiles
Les accents d’un appel pour plus de vérité.
 
Je rêve d’une fête qui soit plus qu’aujourd’hui ;
Une fête élargie à tous les initiés,
Qui grave dans l’année, son empreinte assurée,
Qui affirme dans le monde notre espérance inouïe.

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