Tradition
Portrait de René Hérault (1681-1740), conseiller d’État, lieutenant général de police de Paris en 1731, par Jean-Étienne Liotard

D’où viennent les voyages en franc-maçonnerie ?

Sans trahir de secret, jeune apprenti, je me suis très tôt posé la question de savoir d’où venait cette manie maçonnique de partir en balade durant les cérémonies. 

Remontons aux origines… Dans la maçonnerie balbutiante du XVIIIe siècle, on vérifiait que les candidats à la réception maçonnique étaient bien les personnes qui devaient être reçues en les présentant en loge. Or, au fur et à mesure du temps, les réunions se déroulant dans des appartements privés et non plus dans des tavernes, les surveillants se retrouvèrent de fait éloignés physiquement du vénérable maître. C’est dans le manuscrit Wilkinson, daté aux alentours de 1727 que l’on va trouver la première référence à une « balade » : à la question de savoir qui a introduit le candidat en loge, il est répondu « Il m’a conduit tout autour de la loge, comme il convient d’est en ouest et m’a présenté au plus ancien surveillant » (ndlr : Senior Warden). Une présentation qui dut paraître bien elliptique au lieutenant général de police René Hérault, qui en 1737 indiquait dans sa divulgation : « Le Grand-Maître qui a un cordon bleu taillé en triangle, au col, dit, demandez-lui s’il a la vocation, ce que le Parain va exécuter, le Récipiendaire ayant répondu qu’oui, le Grand-Maître ordonne de le faire entrer, alors il est introduit, et on lui fait faire trois tours dans la Chambre, au tour d’un espace d’écrit sur le plancher, où l’on a crayonné une espèce de représentation ». On notera que, bien évidemment, ce « Grand Maître » n’est pas un Grand Maître d’obédience contemporaine, mais bien la mauvaise traduction d’un Vénérable Maître. Toutefois, d’une présentation au Premier Surveillant dans l’Angleterre originelle, on commence déjà à glisser, 10 ans plus tard, en France, vers une circumambulation (faire le tour d’un symbole).
En 1745, l’affaire évolue encore puisque dans la divulgation de l’Abbé Pérau on nous instruit que l’« on conduit le Récipiendaire autour de l’espace décrit au milieu de la chambre, et on lui en fait faire le tour par trois fois. Il y a des Loges où cette marche se fait par trois fois trois, c’est-à-dire, qu’on fait neuf fois le tour dont il s’agit. Durant la marche, les Frères Surveillants qui accompagnent, font un certain bruit en frappant continuellement avec quelque chose sur les Attributs de l’Ordre, qui tiennent au cordon bleu qu’ils portent au cou. Il y a des Loges où l’on s’épargne ce bruit-là. Ceux qui ont passé par cette cérémonie assurent qu’il n’y a rien de plus pénible que cette marche […]. On est aussi fatigué lorsqu’elle est finie, que si son avait fait un long voyage. » Si elle n’est pas explicitement citée, la notion d’épreuves est déjà en germes avec le récit de cette marche bruyante… D’ici à ce qu’elle nous mène aux voyages tels que nous les connaissons, il n’y aura qu’un pas…

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