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Justice et éthique L’anti-modèle de la prison française, un chantier pour la franc-maçonnerie

Il y a tant à dire, et surtout redire, sur la justice française : celle-ci est en effet plus réduite à une institution judiciaire qu’à un idéal de mesure et de rectitude.

 

En juillet 2016, l’alarme a une nouvelle fois sonné du côté des prisons françaises. La directrice de Fleury-Mérogis, dont le centre pénitentiaire, le plus vaste d’Europe, est saturé, a interpellé avec force les pouvoirs publics. À Perpignan, où 60 détenus dorment sur des matelas au sol, le constat est partagé, comme dans toutes les prisons françaises, où il manque a minima 12 000 places.L’emprisonnement en tant que tel est désormais une double peine. Certes le cliché a la vie dure : la prison serait cet endroit luxueux où les détenus se prélasseraient à regarder la télévision aux frais du contribuable, entre une séance de sport et une permission de sortie. Mais la geôle française contemporaine est un cauchemar que vivent en permanence quelque soixante-cinq mille personnes. Les professionnels du droit sont unanimes : la prison, et particulièrement sa version hexagonale, est inhumaine. Le constat est corroboré aussi bien par les rapports réguliers publiés par l’Observatoire international des prisons, Amnesty International ou Human Rights Watch, que par les parlementaires qui s’aventurent à inspecter de temps à autre nos bouges pénitentiaires.
La prison française est d’abord le règne de la promiscuité, de l’entassement bien au-delà des capacités dites d’accueil. Les cellules sont bourrées à craquer, prenant l’allure des trous à rats du bagne de Cayenne autrefois dénoncé par Albert Londres. L’intimité n’existe pas, que ce soit pour les toilettes, exposées au centre de la cellule commune, comme pour essayer de lire alors que l’extinction des feux tombe sitôt la bouillie du soir servie. L’hygiène n’y est pas un droit : la douche est parcimonieuse (une à deux fois par semaine, canicule ou pas…), sans compter la vétusté lépreuse des murs pourris au saturnisme et les bestioles diverses qui ont pris pension dans ces immenses décharges. L’administration pénitentiaire, les matons, est digne des portraits dressés dans les films à charge. L’arbitraire, les brimades, l’insulte, le racisme sont souvent de mise. Le paroxysme est atteint quand l’ex-détenu Patrick Dils, acquitté après de si longues années d’erreur judiciaire, s’est retrouvé poursuivi en diffamation par un syndicat de ce personnel peu reluisant, mais soudainement si soucieux de sa respectabilité. Peu importe que, une poignée d’années en arrière, plusieurs de ces nervis aient été jugés pour avoir violé de façon récurrente les travestis enfermés dans un étage réservé à Fleury-Mérogis. Il suffit de vouloir rendre visite à un prisonnier pour prendre vite conscience de la face à peine cachée du décor : l’accès en transport à cette usine qu’est Fleury se fait au prix d’un voyage en transport en commun qui, de RER en bus, prend des heures. Les horaires sont restreints. Cela n’empêche pas de voir famille, avocat ou « visiteurs professionnels » attendre sous la pluie que la porte veuille bien s’ouvrir ; puis les mêmes de poireauter entre deux rangées de barreaux où l’on vous a aimablement oublié… Quant à l’entretien, il se déroule, même pour la défense, dans des locaux insalubres et dont la sonorisation défie toute volonté de garder confidentielles les conversations entre l’avocat et son client. À leur décharge, les hommes au képi étoilé sont assez semblables à ceux qu’ils briment : ils appliquent la hiérarchie en vigueur en taule, où les pointeurs (ceux qui sont là pour des affaires de mœurs) subissent le pire traitement de la part des autres pensionnaires. 
Alors, l’humaniste rit jaune quand resurgit de temps à autre le débat sur la « privatisation » des prisons, qui seraient confiées à des entreprises et non plus directement au garde des Sceaux. Il paraît qu’une telle politique serait assimilée à une démission de l’État dans ses missions de service public… Lequel est déjà jugé comme défaillant. Nos sociétés occidentales s’indignent de la charia, cette loi islamique en vertu de laquelle les châtiments corporels prennent des allures de barbarie : la lapidation menace les femmes supposées adultères, les voleurs ont la main coupée, etc. 
En réalité, la France incline aujourd’hui à l’application de sanctions alternatives à la prison qui ne sont guère reluisantes. C’est ainsi que la castration chimique est à la mode pour sanctionner les délinquants et criminels sexuels. Autre solution préconisée pour la même catégorie : le bracelet électronique. Autrement dit, l’enfermement est remplacé par une forme de liberté qui permet de savoir en permanence où se trouve l’individu considéré comme dangereux. Il ne faut pas se leurrer sur la finalité de ces mesures présentées comme des sanctions modernes : elles servent à pallier l’incapacité du système carcéral, à proposer des solutions thérapeutiques réelles passant par une prise en charge de la part de psychothérapeutes ; et le plus souvent, il s’agit, à mots couverts, de « désengorger » les prisons plutôt qu’on réinsérer ceux qui se sont égarés. Quant à l’efficacité de ces bracelets, elle est toute relative puisque la mise sous surveillance n’est que dissuasive. En cas de récidive, elle ne peut avoir d’intérêt qu’a posteriori, à titre de preuve… Mais, surtout, les grands principes de dignité tant proclamés par la justice moderne sont vite oubliés.
Il est donc temps que la franc-maçonnerie s’empare de la justice et de ses indignes instruments de vengeance et de châtiment, dont la faillite est aujourd’hui avérée puisque notre système n’a été capable que de transformer des petits délinquants en terroristes internationaux. Voilà un chantier de plus pour la maçonnerie du XXIe siècle.

 

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