Culture

Le voyage de Nicolas Poussin à Rome La saveur d’un retour

Pour Nicolas Poussin (1594-1665), la troisième fut la bonne. Après deux tentatives infructueuses qui le menèrent une première fois sur les rives de l’Arno à Florence et une seconde jusqu’aux méandres du Rhône, le peintre parvient à gagner la ville qui le fera devenir, à son image, éternel. 

 

En ce mois de mars 1624, l’artiste est entré dans sa trentième année. La longueur du trajet depuis Paris lui a troué les poches. Il est seul et vend pour trois fois rien ses premières toiles romaines, aujourd’hui joyaux des collections européennes. Mais peu lui importe. 
Peu lui importe puisque cette Rome à la saveur d’un Ithaque. Ce troisième voyage est un retour sur les terres natales de son imaginaire façonné par les vers de Virgile et la consultation des gravures de ceux qui deviendront ses maîtres. 
À Paris, le hasard place sur la route du jeune normand, Alexandre Courtois, un valet de chambre de la reine jouissant d’un précieux accès aux collections de gravures. L’homme instille dans l’esprit du peintre la délicatesse des lignes d’un Raphael ou d’un Jules Romain. Ainsi, sans qu’il en ait vraiment pris la mesure, son voyage avait déjà commencé. 
Quelques mois avant son départ effectif pour Rome, Poussin fait la rencontre du poète libertin Giambattista Marino (1569-1625) attiré en France par la régente Marie de Médicis. Cette rencontre est décisive. Originaire de Naples, l’homme de lettres a passé une grande partie de sa carrière à Rome. Teintés de la nostalgie qu’enfante parfois la vieillesse, ses récits vantent la douceur de la vie romaine et les trésors de ce musée à ciel ouvert.
Éminemment cosmopolite en ce début de XVIIe siècle, Rome était à l’époque le lieu d’une triple initiation artistique : l’Antiquité dont les somptueuses ruines chantaient depuis des siècles les louanges, le glorieux souvenir de la Renaissance et enfin l’art contemporain héroïquement incarné par des peintres comme Le Caravage (1571-1610), les frères Carrache et Lodovico Cigoli (1559-1613) qui, à la fin de sa vie, réalisa les fresques de la basilique Sainte-Marie-Majeure. 
À marche forcée, Nicolas Poussin dessine sur les hauteurs, au bord du Tibre, au Capitole, dans le dédale des ruelles pittoresques où affleurent les strates des époques éloignées, à la fraicheur d’une végétation odorante parsemant de couleurs les jardins de la ville. Il inonde ses yeux de tous ces motifs qu’il n’avait jusqu’alors vus qu’en rêves.
Peu avant son décès Giambattista Marino introduit le peintre auprès de l’influent cardinal Francesco Barberini (1597-1679), neveu du pape Urbain VIII, mais également auprès de Cassiano dal Pozzo (1588-1657), qui deviendra son soutien le plus fervent. Avec le début des années 1630, les toiles de Poussin rencontrent le succès qui leur était dû. 
Reflet d’un profond transfert culturel entre Paris et Rome, le voyage de Nicolas Poussin à Rome en aurait été un s’il ne s’y était pas installé avec la ferme intention de s’y établir pour toujours. 

 

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