Culture

Musique maçonnique au Siècle des Lumières

Plaque maçonnique. DR

Il y a quelques semaines, au cœur du Musée belge de la Maçonnerie situé à Bruxelles, profanes et initiés ont vécu en symbiose le splendide et exceptionnel spectacle Musique maçonnique au Siècle des Lumières. Un travail maçonnologique pour donner à voir et à entendre de Jean-Luc Impe, musicologue de renommée internationale, interprété par l’ensemble Les Menus Plaisirs du Roy, fondé en 1989. Entretien.

Pierre Guelff : Quelle est la genèse de ce spectacle ?
Jean-Luc Impe : Nous avons eu, fortuitement, l’occasion d’acquérir un lot de plaques anciennes maçonniques dont les images se révèlent avec la lanterne magique, un appareil de projection du milieu du XVIIIe siècle. On peut considérer cette lanterne magique comme l’ancêtre du projecteur de diapositives, voire du cinéma dans la mesure où l’on pouvait donner une impression d’animation, je pense à celle donnée par les ailes d’un moulin à vent qui tournent, par exemple. Initialement, cet appareil était utilisé comme instrument pédagogique. Il servait à l’instruction rituelle et symbolique des maçons, mais ce spectacle fantasmagorique était aussi utilisé par des colporteurs pour divertir les spectateurs.

PG : Après le hasard, venons-en aux motivations qui vous ont poussées à monter ce spectacle…
JLI : Ce sont celles de notre ensemble musical pour des airs anciens, populaires, certains portant sur une mélodie de textes de nature complètement différente ou opposée. Ainsi, au XVIIIe siècle, on partait souvent d’une mélodie porteuse d’un texte religieux sur laquelle on ajoutait un texte nouveau servant de support à l’édification maçonnique. L’ensemble des chansonniers maçonniques du XVIIIe siècle fonctionnait de cette manière et, aujourd’hui, c’est devenu un gigantesque chantier d’encodage de textes que nous confrontons aux textes référentiels de l’époque. Nous le menons de concert avec le MBM et le Centre d’études et de documentation maçonnique (CEDOM).

PG : Un spectateur profane au concert de Bruxelles  a fait remarquer qu’il ne s’attendait pas du tout à entendre le mot Alléluia chanté par le ténor (Stefan Van Dyck) « en pareil lieu »…
JLI : Preuve en est que la franc-maçonnerie fait bien de s’ouvrir et, de la sorte, répondre à ce genre de question légitime. Pour comprendre l’emploi de l’Alléluia, il faut remonter aux origines de la franc-maçonnerie spéculative qui s’est développée à Londres au début du XVIIIe siècle. En 1725, une société de musique maçonnique y a été fondée, la Philomusicae et Architecturae Societas Appolini, dont le plus éminent musicien fut probablement l’Italien Francesco Geminiani (1687-1762). Une quinzaine d’années plus tard, James Oswald (1710-1769), compositeur et franc-maçon écossais fondait une autre société musicale The Temple of Apollo. Il publia un recueil d’hymnes maçonniques qui furent joués dans les loges londoniennes. Ajoutons que Chansons de la très vénérable confrérie des Maçons libres est un recueil de chants datant de 1735 et qu’il accompagna une traduction et/ou interprétation des Constitutions de James Anderson (1678-1739), dont on rappelle qu’il fut prêtre presbytérien.

PG : Votre spectacle qui mêle harmonieusement des projections de la lanterne magique à des préludes, menuets, musettes, rondeaux, chantés et interprétés avec des instruments anciens, tels le traverso (flûte traversière baroque), la viole de gambe, le clavecin, le théorbe a donné lieu à la création d’un opéra maçonnique par votre ensemble…
JLI : En effet, en 2019 nous avons joué Les Fra-Maçonnes de Poinsinet, une œuvre que nous avons agrémentée de la lanterne magique, mais, également d’un théâtre de papier, le tout accompagné d’un orgue d’Allemagne, sorte d’orgue de barbarie.

PG : Que nous préparez-vous pour l’avenir ?
JLI : Nous avons le projet de préparer une série de petits films pour la télévision basés sur le Siècle des Lumières, en plus des concerts et des spectacles, bien entendu.

À noter 
Un concert public sera donné par « Les Menus Plaisirs du Roy » au Solstice d’hiver, le 23 décembre 2023, à la Grande Loge régulière de Belgique.
Les menus…
Les « Menus-Plaisirs », appelés communément « les Menus », formaient une branche importante de l’administration de la Maison du roi de France. En pratique, elle comprenait la préparation des cérémonies, des fêtes et des spectacles de la Cour. Aujourd’hui, l’hôtel des « Menus-Plaisirs » de Versailles abrite le Centre de musique baroque.

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